Devant une classe d’élèves aux regards mi ahuris, mi coquinement heureux, le professeur venait d’annoncer que l’école allait fermer. Pas seulement la leur, mais toutes les écoles. Pas seulement en France, mais dans des centaines de pays dans le monde.
Nous sommes vendredi 13 mars, et le monde de l’école comme lieu d’apprentissage et de socialisation est brusquement mis à l’arrêt.
Pas question cependant de cesser l’apprentissage : maintenant, et jusqu’à nouvel ordre, c’est depuis la maison que les écoliers de 3 à 17 ans devront apprendre.
C’est une nouvelle organisation pour les enfants, des complications pour leurs parents, mais qu’en est-il des professeurs ?
Trouvant que la voix des professeurs était peu portée, nous avons souhaité les interroger sur cette expérience très particulière, à laquelle personne n’était préparé.
Educapital étant un fonds d’investissement spécialisé dans l’EdTech, nous avons tourné ce sondage de sorte à mettre l’accent sur les outils numériques utilisés, ainsi que sur les apprentissages des professeurs et leurs frustrations. Retour ci-dessous sur les premiers résultats de notre communauté de professeurs sondés depuis le réseau social Twitter. Parmi les professeurs ayant souhaité répondre au sondage, 50% sont professeurs de collège, 22% de lycée et 22% de maternelle-primaire.
Conscients du changement drastique nécessaire pour enseigner à distance, nous souhaitions nous rendre compte de cette nouvelle charge de travail incluant : la préparation de nouveaux cours, l’adaptation de ceux-ci au numérique, le partage de ressources en ligne…
Au total, près de la moitié des professeurs sondés estiment avoir travaillé plus. Pour cause : en plus de préparer les cours, la plupart des professeurs ont eu à s’assurer que leurs élèves ne décrochaient pas ! Pour ce faire, rien de mieux que le maintien (voire la construction) du lien avec les parents. Sur leurs heures de travail habituellement dédiés à l’enseignement, 91% des professeurs ont utilisé les ENT pour garder le lien avec les parents, et tout de même 48% des professeurs décrochaient aussi leur téléphone pour impliquer les parents dans l’apprentissage de leurs enfants.
Concernant les outils numériques utilisés, 97% des professeurs en utilisaient déjà avant le confinement ; les grands gagnants étant sans surprise les ENT et surtout Pronote. Finalement, seuls 20% des professeurs sondés utilisaient des outils numériques en plus des ENT comme Klassroom, Sketchup, Genially, Rally-lecture …
Pendant le confinement en revanche, ce fut autre chose et 97% des professeurs disent avoir découvert de nouveaux outils numériques ; pour 1/3 d’entre eux, il s’agit de Padlet -l’outil de création de « murs » virtuels collaboratifs- ; et pour 1/4 des professeurs ce fut la classe virtuelle du CNED, en plus bien sûr de tous les outils de visio-conférence/communication (Zoom, Slack, Discord, Whatsapp, Teams…)
Le fait assez surprenant est la source de ces découvertes :
Mais alors, qu’ont pensé nos professeurs de cette expérience particulière ? Et bien étonnamment, ils ne sont que 11% à avoir trouvé cette expérience négative ; alors que 65% d’entre eux sont mitigés, et 22% sont heureux des découvertes et apprentissages de cette période. D’ailleurs, 65% des professeurs ont exprimé qu’au retour en classe, leur méthode d’enseigner évoluerait suite à ce confinement. Mais bien sûr, le confinement a aussi généré des frustrations, comme on peut le voir ci-dessous :
En conclusion de cette expérience d’enseignement à la maison, tous les professeurs affirment que le lien physique élève-professeur ne peut être évidemment nullement remplacé.
Plusieurs professeurs évoquent toutefois l’opportunité que le numérique leur a donné pour travailler de manière plus personnalisée avec les élèves en difficultés. Certains évoquent d’ailleurs le sérieux parfois étonnant de ces élèves, qui, depuis chez eux, semblent se libérer du regard handicapant des autres élèves. Enfin, certains professeurs regrettent que les outils numériques à leur disposition ne leur permettent pas assez de construire collectivement les savoirs.
Cette enquête intéressante a mis en lumière les manquements de cette période de continuité pédagogique subite et peu préparée.
Elle montre l’urgence à mettre en place une stratégie du numérique éducatif pour enseigner et apprendre avec le numérique, et une politique de formation des professeurs à ces nouveaux outils car il s’agit de mettre le digital au service du professeur et du développement de son élève.